Chapitre 8 – L’avenir de l’entrepreneuriat francophone : scénarios et prospectives

Depuis les premiers chapitres de cette série, nous avons parcouru les écosystèmes francophones dans leur diversité :

Nous arrivons maintenant à une étape cruciale : se projeter dans l’avenir. Que sera l’entrepreneuriat francophone en 2030, en 2040 ? Quels scénarios pouvons-nous envisager ? Comment tirer parti des forces, surmonter les faiblesses, et transformer la francophonie en un pôle entrepreneurial mondial ?


1. Les grandes tendances structurantes

Avant de dessiner des scénarios, il faut identifier les forces de fond qui influenceront l’avenir.

1.1 La démographie africaine

  • L’Afrique comptera 2,5 milliards d’habitants en 2050, dont 700 millions de francophones.
  • L’Afrique francophone sera le cœur de la francophonie mondiale.
    👉 Opportunité : une jeunesse dynamique, avide de solutions.
    👉 Risque : explosion du chômage si l’entrepreneuriat ne devient pas un moteur d’emplois.

1.2 La révolution numérique et l’IA

  • L’IA, la blockchain, l’internet des objets, la cybersécurité vont transformer tous les secteurs.
  • Montréal (Québec) et Paris sont déjà des pôles IA.
    👉 Question : l’Afrique et les Caraïbes sauront-ils intégrer ces technologies à leur rythme ?

1.3 La transition écologique et énergétique

  • Le changement climatique frappera d’abord les pays tropicaux et insulaires.
  • Les Caraïbes et l’Afrique sont en première ligne.
    👉 Opportunité : faire de la cleantech francophone une force mondiale.

1.4 Les flux migratoires et diasporiques

  • La diaspora francophone (africaine en Europe, haïtienne au Québec, maghrébine en France) est massive.
    👉 Elle peut devenir un investisseur collectif si elle est structurée.

1.5 La géopolitique et la compétition des blocs

  • L’anglophonie (États-Unis, Royaume-Uni, Nigeria, Kenya) domine la tech mondiale.
  • La Chine investit massivement en Afrique.
    👉 La francophonie doit choisir : rester fragmentée ou s’unir pour exister.

2. Trois scénarios pour 2030–2040

2.1 Scénario pessimiste : la francophonie fragmentée

  • Chaque pays reste isolé.
  • Les talents francophones partent massivement dans l’anglophonie.
  • Les success stories restent individuelles et rares.
    👉 La francophonie perd en influence et devient périphérique.

2.2 Scénario réaliste : des pôles régionaux mais peu connectés

  • L’Afrique francophone crée ses champions (fintech, e-commerce).
  • L’Europe francophone reste forte (IA, biotech).
  • Le Québec brille dans l’IA et la deeptech.
  • Les Caraïbes développent des niches (énergies renouvelables, tourisme durable).
    👉 Mais les connexions transnationales restent faibles.

2.3 Scénario optimiste : la francophonie entrepreneuriale unifiée

  • Création d’un fonds francophone global (Europe + Québec + Afrique).
  • Mise en place d’une Francophonie Tech (à l’image de la French Tech).
  • Mobilisation de la diaspora comme force économique mondiale.
  • Harmonisation progressive des marchés (inspirée de l’OHADA).
    👉 La francophonie devient un bloc entrepreneurial reconnu face à l’anglophonie et l’Asie.

3. Les secteurs d’avenir pour la francophonie

3.1 La fintech et l’inclusion financière

  • Afrique : Wave, Yassir, InTouch.
  • Québec : Lightspeed, Dialogue.
    👉 Le marché francophone est idéal pour expérimenter des solutions de paiement et d’assurance.

3.2 L’agritech et la foodtech

  • Afrique de l’Ouest : startups sur la chaîne de valeur agricole.
  • Québec : innovations en agroalimentaire durable.
  • Caraïbes : agriculture résiliente au climat.

3.3 La santé numérique

  • Doctolib, Alan, Dialogue.
    👉 Besoin universel dans tous les espaces francophones.

3.4 La cleantech et la résilience climatique

  • Caraïbes et Afrique : laboratoires de solutions solaires, microgrids, énergies renouvelables.
  • Europe : financements et recherche.

3.5 L’intelligence artificielle et la deeptech

  • Montréal et Paris : pôles mondiaux.
  • Afrique : adoption rapide de solutions IA appliquées (agriculture, santé, finance).

4. Les leviers stratégiques pour réussir

4.1 Créer un marché francophone intégré

  • Harmoniser les régulations (extension de l’OHADA).
  • Faciliter la mobilité des entrepreneurs.
  • Accords commerciaux francophones.

4.2 Structurer des financements transcontinentaux

  • Fonds francophones Afrique–Europe–Québec.
  • Fonds diasporiques.

4.3 Mobiliser les diasporas

  • Programmes de co-investissement diaspora + fonds locaux.
  • Réseaux de mentors globaux francophones.

4.4 Une marque commune : la « Francophonie Tech »

  • Plateforme internationale.
  • Participation commune aux salons mondiaux.
  • Narratif partagé.

5. Prospective 2040 : où en sera la francophonie entrepreneuriale ?

  • Afrique francophone : moteur principal, avec des centaines de millions de consommateurs.
  • Europe francophone : rôle de financeur et de partenaire R&D.
  • Québec : pôle mondial en IA et deeptech, relais vers l’Amérique du Nord.
  • Caraïbes : laboratoire de résilience et d’innovation durable.
  • Diaspora : acteur structuré de financement et de mentorat.

👉 Si la synergie se crée, la francophonie pourrait être en 2040 le 3ᵉ bloc entrepreneurial mondial, derrière l’anglophonie et l’Asie.


Conclusion

L’avenir de l’entrepreneuriat francophone dépend de choix stratégiques :

  • continuer la fragmentation, au risque de disparaître dans la compétition mondiale ;
  • ou construire une alliance francophone entrepreneuriale, reliant capitaux, talents et marchés.

La francophonie a les atouts :

  • démographie (jeunesse africaine),
  • capital humain (universités, diaspora),
  • financements (Europe, Québec),
  • success stories déjà présentes (Doctolib, Odoo, Lightspeed, Wave).

👉 Le défi est désormais politique et culturel : passer du langage commun au projet économique commun.

Prochain et dernier rendez-vous : Chapitre 9 – Synthèse et feuille de route pour une francophonie entrepreneuriale.